Les cellules sécrètent dans leur environnement des vésicules membranaires collectivement appelées « extracellular vesicles » (EV), qui agissent comme des messagers intercellulaires. Les exosomes sont un type d’EV formé à l’intérieur de compartiments de la voie d’endocytose, les corps multivésiculaires (MVB), et sécrété lors de la fusion de ces MVB avec la membrane plasmique.
Notre groupe analyse le rôle des exosomes et d’autres EV sécrétées par les cellules immunitaires (notamment des cellules dendritiques) et les cellules tumorales, dans les réponses immunitaires établies lors de la progression de la tumeur, afin d’évaluer le potentiel thérapeutique des exosomes et/ou des EV dans le cancer.

Il y a quinze ans, nous avions mené les premières analyses protéomiques de la composition d’exosomes sécrétés par les cellules dendritiques. Nous avons montré que ces EV sont distinctes d’EV isolées à partir de cellules apoptotiques, et sont donc le résultat d’un processus actif de sécrétion par les cellules vivantes (Théry et al, J Cell Biol 1999, J Immunol 2011). Nous avons montré que les exosomes sécrétés par les cellules dendritiques portent des antigènes et des complexes CMH-peptide et participent ainsi à l’induction de réponses immunitaires (Théry et al, Nature Immunol 2002), en particulier lorsqu’ils sont sécrétés par des cellules dendritiques matures (Segura et al, Blood 2005, J Immunol 2007). Nous avons également montré qu’induire la sécrétion d’un antigène sur les exosomes par des tumeurs permettait la mise en place de réponses immunitaires antitumorales (Zeelenberg et al, Cancer Res 2008). Nos résultats ont été utilisés pour la conception d’un essai clinique de phase II, à l’Institut Gustave Roussy et l’Institut Curie, utilisant des exosomes produits par les cellules dendritiques matures de patients atteints de cancer du poumon (Besse et al, Oncoimmunology, 2016).
Nous avons également analysé le rôle dans la progression tumorale d’une des principales protéines des EV de cellules tumorales et de cellules dendritiques de souris, appelé MFGE8/lactadhérine. Nous avons montré que MFGE8 favorise l’angiogenèse médiée par le VEGF (Silvestre, Théry et al, Nature Med 2005), la progression de cancer de vessie via un effet sur le système immunitaire de l’hôte (Sugano et al, Oncogene 2011), et la survie et la migration des cellules de cancer de l’ovaire (Tibaldi et al, Plos One 2013). MFGE8 représente donc une cible potentielle pour des thérapies anti-tumorales.

Au cours des 5 dernières années, nous avons concentré notre recherche sur les mécanismes moléculaires de la biogenèse et la sécrétion des différents types d’EV, dans le but de trouver des outils spécifiques pour affecter sélectivement leur sécrétion, et donc comprendre leurs rôles respectifs dans la progression tumorale, et leur utilisation potentielle comme cibles ou biomarqueurs dans le cancer.
Nous avons d’abord identifié les petites GTPases Rab27 comme nécessaires pour la sécrétion d’exosomes par les cellules tumorales (Ostrowski et al, Nat Cell Biol 2010), et avons utilisé cette observation pour montrer un rôle pro-tumoral de la sécrétion d’exosomes in vivo par un modèle de tumeur murine (Bobrie et al, Cancer Res 2012), puis identifié différents rôles des protéines de la famille ESCRT dans cette sécrétion (Colombo et al, J Cell Sci 2013).
Nos études de biologie cellulaire ont mis en évidence l’hétérogénéité des EV sécrétées par les cellules dendritiques et les tumeurs (Bobrie et al, J Extracell Vesicles 2012), et nous nous concentrons actuellement sur la détermination de leurs compositions respectives (Kowal et al, PNAS 2016), incluant leurs différences et similitudes avec les virus enveloppés, leurs fonctions immunitaires (Tkach et al, EMBO J 2017), et les meilleurs moyens pour isoler et/ou affecter spécifiquement la sécrétion des différents sous-types d’EV.