Notre équipe a développé une solide expertise dans le domaine de la signalisation en travaillant depuis plusieurs décennies sur deux familles d’oncoprotéines : les protéines kinases de la famille RAF (Peyssonnaux et Eychene , Biol Cell 2001) et les facteurs de transcription MAF (Eychene et al., Nat Rev Cancer 2008). Nos contributions majeures dans ce domaine ont été l’identification et le clonage d’un membre de chacune de ces deux familles (Benkhelifa et al., Oncogene 1998; Marx et al., EMBO 1988) et le décryptage de leurs mécanismes de régulation incluant ceux par phosphorylation (Benkhelifa et al., Mol Cell Biol 2001; Hmitou et al., Mol Cell Biol 2007; Rocques et al., Mol Cell 2007; Herath et al., Blood Cancer J 2014).
Nos études nous ont progressivement amené à nous focaliser sur deux types de cancer dans lesquels ces deux familles d’oncoprotéines jouent un rôle primordial: le MEDULLOBLASTOME et le MELANOME.
Nos projets actuels portent sur la dérégulation des voies de signalisation et les facteurs de transcription impliqués dans l’initiation et la progression de ces deux pathologies et leurs mécanismes de résistance aux traitements.
Le Médulloblastome (MB), localisé dans le cervelet, est la tumeur cérébrale maligne la plus fréquente chez l’enfant. Son traitement actuel associant chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie, a permis d’atteindre un taux de survie de 70% à 80% à 5 ans. Cependant, 20 à 30% des tumeurs restent incurables. La plupart d’entre-elles appartiennent au sous-groupe de médulloblastomes le moins bien caractérisé appelé groupe 3 (G3), qui présente une caractéristique surprenante. Un ensemble de gènes caractéristiques des photorécepteurs, un type cellulaire de la rétine, est exprimé spécifiquement dans ce groupe de MB. Ce programme photorécepteur définit une identité anormale et aberrante puisque le médulloblastome de groupe 3 se développe dans le cervelet.
Nous avons montré que NRL, un membre de la famille MAF spécifiquement exprimé dans les photorécepteurs de la rétine dans le contexte physiologique, est également exprimé dans le MB de groupe 3 où il permet l’établissement de cette identité aberrante et est également nécessaire pour la progression tumorale en induisant la prolifération des cellules cancéreuses et en les protégeant de la mort cellulaire par apoptose (Garancher et al., Cancer Cell 2018). Ce travail étend le concept de dépendance au lignage d’origine dans le cancer en montrant qu’une identité aberrante caractérisée par un lignage sans lien avec le tissue d’origine peut représenter une dépendance. Nous avons également identifié une cible dans le MB en montrant le potentiel thérapeutique d’agents pharmacologiques ciblant les protéines anti-apoptotiques de la famille BCL2.
Actuellement, nous étudions la dérégulation de différentes voies de signalisation et de facteurs de transcription dans les médulloblastomes de type 3 ainsi que les mécanismes de leur résistance à la radiothérapie.
Le Mélanome, un des cancers de la peau les plus mortels, est principalement dû à la dérégulation de la voie RAS/RAF/MEK/ERK causée par des mutations activatrices de BRAF dans 50% des cas et de NRAS dans 15% des cas.
Nous avons développé des modèles de souris génétiquement modifiées pour évaluer les contributions respectives des di
fférentes kinases RAF au cours du développement normal et pathologique du lignage mélanocytaire. Nous avons démontré que la voie de signalisation RAF/MEK/ERK n’est pas indispensable pour le développement précoce du lignage mélanocytaire mais requise pour l’autorenouvellement des cellules souches mélanocytaires (Valluet et al., Cell reports 2012), apportant ainsi la première démonstration in vivo que les protéines RAF peuvent être impliquées dans le maintien d’un « caractère souche ».
Nous avons également utilisé ce modèle de souris pour étudier le rôle des kinases RAF dans le mélanome induit par une protéine NRAS activée par mutation (NRASQ61K) à chaque étape de la progression tumorale : de l’initiation (formation du naevus benin) au mélanome invasif (Dorard et al., Nat Commun. 2017). Nous avons montré que BRAF jouait un rôle critique dans l’initiation des mélanomes induits par NRAS qui ne peut pas être compensé par CRAF. En revanche, les protéines RAF montrent des fonctions redondantes dans les tumeurs malignes déjà formées. De manière intéressante, nous montrons pour la première fois que ARAF peut compenser l’absence de BRAF et CRAF, mettant en évidence une dépendance de la voie de signalisation RAF dans le mélanome induit par NRAS (Druillennec et al., Mol Cell Oncol. 2017).
Nos études en cours portent sur les mécanismes moléculaires mis en jeu lors de la contribution des trois kinases RAF dans la progression du mélanome et la résistance aux traitements.